- La
cour d'appel de Douai a cassé lundi le jugement du tribunal de Lille
annulant un mariage à cause du mensonge de l'épouse sur sa virginité.
- Les juges ont estimé que le procès, tel qu'il était engagé, risquait de mettre "en jeu des principes d'ordre public".
Malgré leur volonté réciproque d'annuler leur mariage, les époux de
Lille ont été de fait "remarier" par la justice lundi. La cour d'appel
de Douai a, en effet, cassé le jugement du tribunal de Lille du 1er
avril annulant un mariage à cause du mensonge de l'épouse sur sa
virginité.
"En
toute hypothèse, le mensonge qui ne porte pas sur une
qualité essentielle n'est pas un fondement valide pour l'annulation
d'un mariage", a notamment estimé la cour d'appel, selon un résumé du jugement qu'elle a transmis à la presse.
"Tel
est particulièrement le cas quand le mensonge prétendu aurait porté
sur la vie sentimentale passée de la future épouse et sur sa virginité - qui n'est pas une qualité essentielle en ce que son absence n'a pas d'incidence sur la vie matrimoniale", selon la cour.
En première instance, le 1er avril, le tribunal de grande instance de Lille avait annulé l'union pour
"erreur sur les qualités essentielles du conjoint", rappelle la cour d'appel.
"Le
procès tel qu'engagé par le mari et le jugement rendu (à Lille, ndlr)
sont susceptibles de mettre en jeu des principes d'ordre public", note également la cour d'appel, qui a jugé recevable l'appel du parquet.
Les "libertés individuelles gravements menacées"
"Ils sont toujours mariés à l'heure qu'il est, cet arrêt m'apparaît très inquiétant", a estimé Me Labbée, jugeant que "
nos libertés individuelles (étaient) gravement menacées". Lors
de l'audience en appel, qui s'était tenue le 22 septembre à huis
clos, les avocats des deux époux, mettant notamment en avant d'autres
motifs que le mensonge de l'épouse sur sa
virginité,
avaient reformulé la demande d'annulation du mariage. Face aux deux
parties en présence, le parquet général avait alors proposé des
"portes de sortie" permettant en particulier de substituer à un "
motif discriminatoire" un "motif légitime".
Rendue
publique dans les médias le 29 mai, la décision du TGI de Lille
d'annuler l'union célébrée en juillet 2006 à Mons-en-Baroeul, près de
Lille, avait immédiatement provoqué un tollé, du monde politique au
monde associatif. Après avoir souligné qu'une telle procédure pouvait
permettre de
"protéger" les personnes, la garde des Sceaux
Rachida Dati avait finalement demandé au parquet de Lille d'interjeter
appel, ce qu'il avait fait le 3 juin.
Les époux, d'origine
marocaine et musulmans, lui un informaticien âgé d'une trentaine
d'années et elle une étudiante infirmière d'une vingtaine d'années,
ont depuis les faits quitté le Nord-Pas-de-Calais. Rejetée par son
mari après qu'il eut découvert lors de leur nuit de noces qu'elle
n'était pas vierge, la jeune femme avait accepté - après s'y
être opposée - l'annulation voulue par son époux, devant la crainte
d'une procédure trop longue.